Brève histoire des instruments de navigation

Les années 80 ont été la première décennie de développement de systèmes d'instruments de navigation modernes intégrés et ont constitué une période agitée pour les personnes concernées. « Ce fut une période assez mouvementée, car les choses avançaient relativement vite », a déclaré Richard Russell, qui travaillait chez B&G au cours de cette décennie et a terminé responsable de la conception des systèmes pour bateaux de B&G.

« Le PC IBM n'est sorti qu'en 1981, et il n'y avait alors qu'une quantité extrêmement limitée d'instruments basés sur microprocesseur. » Les concepts les plus fondamentaux que nous considérons maintenant comme acquis (comme de simples menus avec des sous-menus) devaient alors être élaborés à partir de zéro. « Et n'oubliez pas tous les efforts nécessaires pour s'assurer qu'ils étaient adaptés à l'environnement dans lequel ils seraient utilisés », a-t-il ajouté avec regret.

Au début des années 90 cependant, le monde de la voile avait ce que l'on peut appeler un système moderne. Le lancement du Hercules 690 de B&G constitue un bon exemple. Cet appareil possédait toutes les fonctionnalités essentielles que nous attendons maintenant d'un système d'instruments de course à la voile. Deux processeurs distincts intégraient les données brutes des capteurs pour générer des données de performances avant de les distribuer à un ensemble d'écrans, chacun d'entre eux pouvant être programmé pour des canaux de données spécifiques. Une conception modulaire a permis d'augmenter le nombre de capteurs et d'écrans, tandis qu'un nouveau bus propriétaire a pris en charge toutes les communications entre les processeurs et les écrans.

C'est loin d'être le seul nouveau système lancé à cette époque ; aux États-Unis, Ockam a continué de progresser et a lancé OS2, une évolution de ses logiciels tactiques et de performance. Également basée en Nouvelle-Angleterre, la société KVH était l'un des leaders du développement de compas numériques à destination du marché des bateaux de course et, pendant un certain temps, a également fabriqué des instruments, notamment le système Quadro, après avoir repris le Danois DanaPlus. En France, NKE a lancé un nouveau système au début des années 90. Le travail de NKE a eu une forte influence offshore. En effet, Alain Gautier a utilisé l'équipement fabriqué par la société pour remporter le Vendée Globe en 1992.

Il y a également eu de nombreuses actions de recherche et de développement en dehors du monde commercial. L'un des efforts les plus considérables de cette période peut être imputé à Hasso Plattner, célèbre pour avoir élaboré une série de bateaux de course renommés et couronnés de succès, sans parler de l'utilisation du logiciel de base de données SAP. De nombreux ingénieurs ont aidé M. Plattner, et même si je n'ai jamais vu le système, il était réputé disposer d'une fonctionnalité qui n'aurait pas embarrassé une équipe de la coupe de l'America.

Les équipes participant à la coupe ont mené de nouveaux travaux sur la visualisation des voiles et l'utilisation de télémètres laser pour suivre l'adversaire. Malheureusement, à mesure que les équipes sont devenues plus grandes, plus professionnelles et plus pérennes, de moins en moins de recherches se sont transformées en produits commerciaux, voire ont simplement vu le jour dans la sphère publique.

Le programme de développement Kiwitech, de Matthew Thompson, a commencé avec la coupe avant de migrer vers le « monde réel ». En 1988, M. Thompson a participé au défi Big Boat Challenge de Nouvelle-Zélande avant d'élaborer des systèmes tactiques, de navigation et d'analyse des performances embarqués. Ces systèmes ont été rachetés par Raytheon en 1999 et sont devenus Raytech.

Les équipes de la coupeavaient ouvert la voie avec des systèmes tactiques étanches à installer sur le pont, avant que Sailmath ne développe l'appareil étanche portatif Deckman original en s'appuyant sur les travaux de Derek Clark, en 1987. En 1992, ce système a été relancé avec un nouveau matériel basé sur le TouchPC en forme de brique. Ockam a ensuite adopté à son tour le TouchPC et l'a utilisé en tant qu'ESP pour exécuter son système tactique embarqué OS3. La durabilité, la taille et le poids du TouchPC lui ont permis de rester l'outil de choix de nombreux concurrents de courses de jour et de courtes régates au large jusqu'à l'émergence d'une technique d'affichage efficace des systèmes de cartographie sur le pont (ces systèmes fonctionnant sur des ordinateurs portables).

Ces systèmes ont fait l'objet de développements significatifs : des progiciels axés sur les courses longue distance au large impliquant de naviguer « depuis la timonerie » étaient nécessaires. C'est Brice Pryszo qui a mis au point la première solution isochronale pour le routage météorologique. Son logiciel MaxSea avait d'ailleurs déjà ouvert la voie dès le milieu des années 80. Sailmath a rejoint la partie avec le lancement de Deckman pour Windows au milieu des années 90, à savoir la transposition du logiciel Deckman sur la plate-forme Windows. Cela a permis le développement de fonctionnalités beaucoup plus avancées. Le routage météorologique avec prévisions de tiers a été ajouté au Whitbread en 1997-98.

Nick White a également commencé son travail sur l'Explorer [renommé plus tard Expedition] au milieu des années 90. Il a été le navigateur Yamaha à bord du Whitbread en 1993/94 et a travaillé avec Chris Dickson à la campagne Tag Heuer lors de la coupe de 1995. Il a également contribué aux produits Kiwitech. L'Explorer a disparu et a été remplacé par l'Expedition lors de la préparation de la coupe de l'America de 2003, alors que M. White travaillait avec Dick McCurdy pour l'équipe Stars and Stripes de Dennis Conner.

Bien que les fonctionnalités de base aient été développées au cours de cette période, je pense qu'il est juste de dire qu'il y avait encore des efforts à faire en matière de précision, en particulier lors des manœuvres, car les bateaux étaient de plus en plus rapides et dynamiques. En conséquence, si selon moi l'arrivée du GPS a été le changement déterminant au cours des années 80, alors le développement technique le plus important des années 90 a été l'arrivée de capteurs de mouvement à semi-conducteurs légers et robustes.

Ces gyromètres et accéléromètres sont devenus la clé de nombreux dispositifs d'amélioration de la précision et de l'efficacité des instruments de navigation au cours des décennies suivantes. Graeme Winn, de Sailmath, a été le premier à appliquer leur potentiel à la voile lors de sa collaboration avec le challenger Blue Arrow au cours de la coupe de l'America de 1988.

Blue Arrow a construit un monocoque à ailes portantes (l'AC75 n'est pas le premier bateau de cette catégorie) et avait besoin de mesurer les charges exercées sur les ailes portantes. M. Winn a donc conçu un système d'instruments sur mesure en collaboration avec B&G. « Le développement a pris fin avec la fermeture du syndicat Blue Arrow », a expliqué M. Winn, « mais il a servi de base à un nouveau système utilisé lors de la coupe de l'America de 1995 : le WTP.

Celui-ci a été utilisé pour la première fois en 1995 par l'équipe espagnole [Copa America '95 Desafio Español]. Ce système était innovant dans la mesure où il supprimait les vecteurs de vent créés par le tangage et le roulis du yacht en ayant recours à des gyromètres pour [mesurer] le tangage et le roulis ; le vent résultant était beaucoup plus stable et nécessitait un amortissement moindre. »

L'erreur induite par le tangage et le roulis dans la détection de la direction et de l'angle du vent avait été mise en évidence par Dick McCurdy dans sa thèse de MSc, en 1968. Sa correction a donc constitué un pas en avant significatif. Quelques années plus tard, Graeme Winn a intégré un autre gyromètre au WTP, pour le lacet cette fois. L'appareil a ainsi assuré les fonctions d'un compas gyro-stabilisé.

Les capteurs de mouvement à semi-conducteurs, légers et robustes, ont également été utilisés pour créer un pilote automatique lancé en 1995 par NKE et appelé Gyropilot. Celui-ci améliorait particulièrement les performances du pilote automatique en cas de vent au portant, spinnakers hissés. Aujourd'hui, la société produit également un système d'instruments qui utilise des gyromètres pour dissocier le mouvement du bateau des données relatives au vent.

Le fait que le WTP utilise des gyromètres a permis de réduire le bruit des données relatives au vent, et donc de tous les éléments calculés en aval, tout en réduisant l'amortissement généré suite à ces calculs. Le taux de mise à jour a également été largement amélioré. « Il a été possible de faire passer le taux d'échantillonnage du système à 10 Hz et d'afficher des variables de navigation importantes telles que le cap, la vitesse du bateau, la direction du vent, l'angle du vent réel et la vitesse sur les écrans à la même fréquence ; cela donne naissance à un système ultra réactif avec des données plus dynamiques », a expliqué Graeme Winn. Le WTP est devenu le système privilégié par les équipes de la coupe de l'America à la fin des années 90. Ses caractéristiques sont devenues le point de départ du développement de nouveaux systèmes au début du nouveau millénaire.

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